"Les contours parfois flous de cet ensemble de recherches s'articulent toutefois autour du concept clé de rétroaction (en anglais feedback) ou mécanisme téléologique. Leur but était de donner une vision unifiée des domaines naissants de l'automatique, de l'électronique et de la théorie mathématique de l'information, en tant que « théorie entière de la commande et de la communication, aussi bien chez l'animal que dans la machine ».
La formalisation du résultat de leurs échanges a été confié à Norbert Wiener, mathématicien aux compétences multiples, ce qu'il fait dans l'ouvrage //Cybernetics or Control and Communication in the Animal and the Machine//. Publié en #1948, il est considéré comme fondateur de la cybernétique et assura à celle-ci une large diffusion publique. [...] L'ambition développée par la cybernétique a pourtant constitué un creuset formidable pour l'élaboration des sciences cognitives, de l'intelligence artificielle, des thérapies systémiques de l'école de //Palo_Alto, ou encore des théories biologiques de l'auto-organisation."
Dans "Le Trésor des paradoxes (Éditions Belin, #2007) : " #@Claude_Shannon voulut élaborer une " machine gratuite ", sans finalité : on la met en marche en appuyant, comme sur tout dispositif électromécanique, sur une touche " on " ; mais les choses prennent alors une tournure surprenante, car cette mise sous tension déclenche un mécanisme provoquant aussitôt l’arrêt du gadget en mettant l’interrupteur sur " off ! " Ce type de comportement insolite caractérise les situations ubiquitaires où la communication réside paradoxalement dans l'absence de communication, l'utilité dans l'absence d'utilité
[[ Exemples : "La mode, c'est ce qui se démode" (Jean Cocteau); "Créer cette École (L’École Freudienne) afin de la dissoudre" (Jacques Lacan); "On se rend compte que l'on dort en se réveillant" (John Lennon); "Le bon fonctionnement de tout le système de l’épargne-logement suppose, paradoxalement, que certains ayants droit (les " bons frères ") renoncent précisément à faire valoir leur droit à un prêt au terme d’une période d’épargne" (Pierre Chaillol); "L'idéal révolutionnaire n’a pu que se troubler au moment de s’accomplir : la nécessité dont il se réclamait le condamnait à se perdre pour se réaliser, trahi et déformé moins par ses ennemis que par ceux-là mêmes qui ont voulu en assurer l’application" (Jean Starobinsky); "La virginité se perd en se prouvant" (Fernand Crommelynck). Un avatar géostratégique de cet automate paradoxal de Shannon consiste dans le concept de dissuasion nucléaire: les puissances nucléaires amassent des armes atomiques dans le but... d'interdire toute velléité d'emploi de ce type d'armes, en se neutralisant mutuellement: ça sert à ne pas servir ! ]]
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Son œuvre
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Shannon travaille pour les services secrets de l'armée, en cryptographie, chargé de localiser de manière automatique dans le code ennemi les parties signifiantes cachées au milieu du brouillage. Son travail est exposé dans un rapport secret (déclassifié dans les années #1980 seulement), qui donne naissance après-guerre à un article, A Mathematical Theory of Communications ( #1948 ), qui fut repris en #1949 sous forme de livre avec un ajout de Warren Weaver, son supérieur dans les services secrets. Cet ouvrage est centré autour de la problématique de la transmission du signal.
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Pour décrire la communication entre machines, l'article de #1948 et le livre de #1949 commencent tous deux par un " schéma " qui connut dès lors une postérité étonnante en Sciences de l'information et de la communication, au point que Shannon s'en étonna et s'en dissocia. Le schéma modélise la communication entre machines en 5 éléments :
[ source --> émetteur --> message --> récepteur --> destinataire, dans un contexte de bruit. ]
Ce schéma est la traduction " civile " d'un schéma préalable, utilisé dans le contexte militaire:
[ source --> encodeur --> signal --> décodeur --> destinataire, dans un contexte de brouillage. ]